Dans son accord de gouvernement, le gouvernement fédéral annonce son intention de miser, dans le cadre de ses compétences et en collaboration avec les Régions, sur les mobilités douce, collective et multimodale. Cette intention est en parfaite adéquation avec la demande adressée par le Conseil central de l’économie (CCE) et les CES régionaux (Brupartners, CESE Wallonie, SERV), dans leur déclaration commune en matière de mobilité, pour une concertation interfédérale qui, dans l’intérêt de l’usager de la mobilité, favorise la multimodalité tant en termes d'exploitation que d'infrastructure.
Pourquoi a-t-on besoin d’une multimodalité accrue ?
La multimodalité offre d’innombrables avantages indéniables
Une multimodalité (ou combinaison de modes de transport) accrue est nécessaire afin de pouvoir garantir l’accessibilité fluide et durable des pôles d'emploi, des pôles d’activité économique et des centres logistiques de notre pays, à la fois pour le transport de passagers et de marchandises. La disponibilité d'un large éventail de modes de transport (durables) que l’on peut facilement combiner est essentielle pour parvenir à une plus grande multimodalité. Ceci est à son tour important pour améliorer la situation en termes de mobilité ainsi que pour lutter contre le réchauffement climatique et la pollution atmosphérique. En outre, tout ceci favorise aussi la prospérité économique, la santé et le bien-être de la population.
La multimodalité a un potentiel de croissance considérable dans le transport de personnes...
La multimodalité dispose d’un potentiel de croissance considérable dans le domaine du transport de personnes. Une enquête BEMOB de 2021 montre que la part du multimodal dans les déplacements domicile-travail est de 11 %. Ce sont surtout les navetteurs qui utilisent les transports publics comme principal mode de transport qui optent pour un trajet domicile-travail multimodal (58 % contre 2 % des navetteurs en voiture). La voiture est le moyen de transport principal le plus utilisé et elle est encore (trop) peu combinée à un autre moyen de transport.
Les combinaisons les plus fréquentes de modes de transport lors des déplacements domicile-travail
Note : *La catégorie « autres » comprend les choix modaux « moto », « à pied » et « transport organisé par l'employeur ».
Source : SPF Mobilité et Transports (2021), Enquête BEMOB : les déplacements domicile-travail en 2019 et 2020.
... mais celle-ci reste sous-utilisée
La sous-utilisation de la multimodalité résulte de plusieurs causes. La possibilité de transferts simples et fluides d'un mode de transport à l'autre est une condition fondamentale pour accroître la multimodalité. Cette condition n’est pas remplie aujourd’hui en raison d’un manque d’intégration de l’offre, de l’infrastructure, des tarifs et des horaires. En outre, il n’y a pas encore pour tout le monde des alternatives attrayantes à la voiture qui offrent à l’usager de la mobilité une solution porte-à-porte pour ses déplacements.
Comment développer davantage la multimodalité dans le transport de personnes ?
Accroître l’utilisation du budget mobilité
Selon le CCE et le Conseil national du travail (CNT), le budget mobilité est un important instrument de facilitation de la multimodalité. Le budget mobilité permet en effet aux travailleurs qui disposent d’une voiture de société ou peuvent y prétendre d’opter pour différents modes de transport plus durables comme alternative ou en complément à ce véhicule. Les Conseils sont depuis longtemps demandeurs d’un budget mobilité qui poursuive des objectifs en matière de mobilité et ne soit pas un instrument d’optimisation salariale.
La loi du 17 mars 2019 a créé un cadre légal pour le budget mobilité. En partie grâce aux changements apportés à cette loi qui sont entrés en vigueur au 01/01/2022 (voir cet article pour plus d’infos), le nombre d'employeurs proposant un budget mobilité et le nombre de travailleurs qui y ont recours sont en augmentation. Entre le quatrième trimestre 2022 et le quatrième trimestre 2023, l'ONSS a vu le nombre de travailleurs bénéficiant d'un budget mobilité passer de 5 186 à 10 250. Au cours de la même période, le nombre d'employeurs proposant un budget mobilité est passé de 745 à 1155. Malgré cette augmentation, les chiffres mentionnés restent limités en termes absolus.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Afin d’accroître davantage l’utilisation du budget mobilité, il y a à nouveau un certain nombre de modifications qui entrent en vigueur depuis le 01/01/2024 (voir cet article pour plus d’informations à ce sujet). Sur avis du CCE et du CNT, les limites minimum et maximum entre lesquelles la valeur du budget mobilité doit se situer seront indexées chaque année. La méthode de calcul du budget mobilité est également clarifiée et des formules de calcul forfaitaires sont prévues. Ces modifications sont importantes pour garantir l’attractivité du budget mobilité, même en périodes de hausses des prix, pour faciliter l’implémentation d’un budget mobilité et simplifier sa mise en œuvre. Elles sont également importantes pour la sécurité juridique de l’utilisateur du budget mobilité, qui saura clairement quel montant il peut dépenser ou se voir rembourser.
What’s next ? Il reste à voir si ces changements augmenteront le succès du budget mobilité et, par conséquent, l'utilisation d'alternatives à la voiture de société dans le cadre (entre autres) des déplacements domicile-travail.
Mettre en place un système intégré de transports publics
Le CCE et le CNT plaident en faveur de la mise en place d’un système de transports publics intégrés au service du voyageur (voir leurs avis des 16 juillet 2024, 29 juin 2021 et 12 avril 2021). Ils sont convaincus que la mise en concordance des horaires et l’instauration de tarifs et titres de transport intégrés renforcent l’attrait des transports publics et peuvent ainsi contribuer à la réalisation d’un transfert modal.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Selon la Vision Rail 2040 et les contrats de gestion 2023-2032 de la SNCB et d’Infrabel, le SPF Mobilité et Transports réalisera une étude sur la faisabilité technique et budgétaire de l’application progressive d’un cadencement horaire autour de nœuds de correspondance sur le réseau ferroviaire belge à l’horizon de 2040 et, parallèlement, d'un alignement des horaires sur les autres formes de transport public gérées par les Régions. Pour le CCE et le CNT, il est important que cette étude examine également l'impact de cette offre cadencée sur le transport ferroviaire de marchandises (voir avis).
Grâce aux titres de transport public intégrés (le Brupass (XL) et les City Pass), d’importantes avancées ont déjà été enregistrées en direction d’une plus grande intégration tarifaire des transports publics. Les Conseils encouragent les opérateurs de transport public et leurs autorités de tutelle à prendre d'autres mesures de ce type. Ils demandent de monitorer l'utilisation des titres de transport public intégrés et d’examiner les leviers qu’il conviendrait d’activer pour accroître leur utilisation (voir avis). Dans le cas du Brupass XL, cela pourrait par ex. être réalisé en élargissant le périmètre d’application (voir avis).
Où en est la mise en place d’un système de transports publics intégré en Belgique ? Chaque année, les conseils consultatifs fédéraux et régionaux (CCE, CNT, Brupartners, CESE Wallonie et SERV) convient les quatre opérateurs de transports publics à une réunion commune pour discuter de l'état d'avancement de leurs efforts en ce sens.
Notre pays peut-il tirer des leçons des pratiques étrangères en matière d'intégration des tarifs des transports publics ? Vous trouverez plus d’informations à ce sujet dans ce questions-réponses et dans cet article du secrétariat du CCE.
What’s next ? Le CCE et le CNT attendent les résultats de l'étude du SPF Mobilité et Transports, sur laquelle ils souhaitent être informés. En outre, en collaboration avec les CES régionaux et les quatre opérateurs de transport public, ils continueront à suivre les progrès accomplis en vue de la mise en place d'un système de transports publics intégré en Belgique.
Stimuler l'utilisation des transports publics combinés pour les déplacements domicile-travail via le système 80/20
Grâce au système 80/20 (c'est-à-dire un système volontaire dans lequel 80 % du prix de l'abonnement est pris en charge par l'employeur et les 20 % restants par l’autorité fédérale), les employeurs qui le souhaitent peuvent offrir à leurs travailleurs la gratuité des déplacements domicile-travail avec un abonnement SNCB (flexible) ou un abonnement combiné SNCB/STIB.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le CCE et le CNT demandent que le champ d’application du système 80/20 soit étendu aux abonnements combinés SNCB/De Lijn et NMBS/TEC (voir leur avis du 20 septembre 2023). Ils demandent également que les abonnements à temps plein combinés soient complétés par des formules d’abonnements flexibles combinés pour les déplacements domicile-travail (voir leur avis) et que celles-ci soient intégrées dès leur lancement dans le système 80/20.
What’s next ? Aucune décision n’a encore été prise concernant l’extension du système 80/20 à tous les abonnements de transport public combinés, car cette décision est tributaire d'un accord sur le financement. Il reste à présent à attendre la conclusion d'un tel accord.
Encourager la combinaison train-vélo
Le CCE et le CNT demandent que les efforts visant à rendre la combinaison train-vélo aussi attrayante que possible soient poursuivis et, le cas échéant, étendus ou intensifiés. L’objectif est de promouvoir le transfert modal vers le rail, mais aussi de tenir compte de l'augmentation constante de l'usage du vélo.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? La SNCB travaille actuellement à la mise en œuvre de sa stratégie train-vélo qu'elle a présentée en juin 2021. Celle-ci est tout à fait conforme aux recommandations du CCE et du CNT d’encourager la combinaison du train et du vélo (voir leur avis du 20 septembre 2023 et le point 2.2.3 de leur avis du 29 juin 2021). Par ailleurs, conformément à la demande des Conseils, le contrat de gestion 2023-2032 de la SNCB répond à l'augmentation constante de l'utilisation du vélo en prévoyant, entre autres, une plus grande capacité vélos dans les trains et les gares.
En ce qui concerne la politique tarifaire de la SNCB (qu'ils suivent de près dans le cadre de la compétence d’avis légale du CCE), le CCE et le CNT estiment (voir avis) que la distance du trajet doit être un critère à prendre en compte dans l’établissement du prix du supplément vélo à payer pour embarquer son vélo dans le train. Par ailleurs, les Conseils estiment que pour favoriser la combinaison du train avec le vélo ou avec la voiture, le niveau de prix des suppléments de stationnement de la SNCB doit être fixé avec circonspection.
What’s next ? Le contrat de gestion 2023-2032 de la SNCB annonce un système tarifaire adapté pour le supplément vélo (c'est-à-dire un tarif différencié entre les heures de pointe et les heures creuses) et mentionne que la SNCB est en train d’étudier l'opportunité d’introduire un abonnement vélo. Les Conseils se réservent le droit de se prononcer sur ces nouveaux développements dans leurs futurs avis sur la politique tarifaire de la SNCB.
Continuer à développer la mobilité partagée
Afin de faciliter le passage de la possession personnelle des moyens de transport à l’utilisation de moyens de transport partagés (lisez : la mobilité partagée), les quatre ministres de la Mobilité ont approuvé en septembre 2022 une vision interfédérale de la MaaS (pour laquelle le CCE, le CNT et le CFDD ont fourni des éléments constitutifs dans leur avis du 19/04/2022). La « Mobility as a Service » (MaaS) est une évolution récente dans le monde de la mobilité s’inscrivant dans la tendance sociétale plus large selon laquelle les consommateurs ne doivent pas nécessairement posséder un produit pour en faire usage.
Dans son exposé d’orientation politique du 12 novembre 2020, le ministre fédéral de la Mobilité a promis de travailler activement au soutien aux plateformes de partage de véhicules, de cycles ou d’autre moyens de déplacement. Le 3 mai 2022, lors d’une audition organisée au Parlement concernant le soutien à la croissance durable de la mobilité partagée en Belgique, le CCE et le CNT ont pu exposer leurs positions en la matière.
À l’occasion de la Semaine de la Mobilité 2023, le secretariat du CCE a consacré un dossier d’information à la thématique de la mobilité partagée
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le contrat de gestion 2023-2032 de la SNCB, qui a été approuvé par le Conseil des ministres le 23 décembre 2022, accorde une attention à la mobilité partagée, conformément à la demande du CCE et du CNT. Concrètement, la SNCB va, par exemple, accroître significativement l'offre de vélos et voitures partagés dans les parkings des gares et entamer des partenariats avec les autorités régionales, les entreprises et les partenaires privés afin de permettre l'émergence d'une nouvelle offre de vélos et voitures partagés.
What’s next ? Mettre en œuvre la vision interfédérale de la MaaS et éliminer les obstacles au développement de la mobilité partagée dans notre pays.